Par Gilbert Paquette,
membre du collectif 150ansde …
Le 6 juillet 2013, la ville de Lac Mégantic était frappée par les deux piliers sur lesquels s’est édifié le Canada : les chemins de fer et le pétrole. Impossible d’oublier, même quatre ans plus tard, ce train chargé de pétrole qui a déraillé et détruit le centre ville de Lac Mégantic tuant 47 personnes qui s’y trouvaient. Cent trente-deux jours plus tard, les rails étaient reconstruits et les trains pétroliers circulaient à nouveau. Cette tragédie humaine, à laquelle le Canada pétrolier est insensible, fait partie du dossier noir de ces 150 ans de Canada. Ce triste anniversaire souligne encore une fois à quel point le gouvernement canadien gère nos affaires et notre territoire en fonction des intérêts pétroliers, tel que l’autorise la constitution canadienne qui nous nous fut imposée il y a 150 ans, et encore plus en 1982 lors du rapatriement de Londres.
En 1867, le Canada fut au départ un arrangement entre financiers pour le développement des chemins de fer « from coast to coast ». Pour ce faire, il fallait « unir » les colonies britanniques au nord des Etats-Unis. Plus récemment, la privatisation des compagnies de chemin de fer a mené à une dérèglementation du transport par rails réalisées par étapes sous les gouvernements libéraux et conservateurs. Depuis 2002, on assiste à une autogestion presque complète des normes de sécurité ferroviaire par les compagnies de chemins de fer privés du Canada. En 2009, alors que le Canada décidait de baser son économie sur l’extraction et l’exportation du pétrole de l’Ouest, ces compagnies transportaient déjà 300 000 barils de pétrole chaque année. En 2013, ce nombre était passé à 84 000 000 de barils de pétrole brut par an sur les voies ferrées canadiennes, incluant le train qui a frappé Lac Mégantic.
Entre 2009 et 2014, le Bureau fédéral de sécurité dans les transport (BST) a noté 25 déraillements de trains au Canada transportant du pétrole ou d’autres produits dangereux dont trois au Québec. La majeure partie de ces déraillements ont eu comme cause première le mauvais état des rails, autrement dit la négligence organisée en système de l’État canadien qui s’ajoute à la dérèglementation
Contrairement au discours des compagnies pétrolières et du gouvernement canadien, le transport par oléoduc n’est pas plus sécuritaire que le train. Un déversement par oléoduc est continu jusqu’à ce qu’on l’arrête, polluant les cours d’eau et les sources d’eau potable. Depuis 2008, on dénombre quelque 750 incidents produits le long des principaux pipelines au Canada, selon la base de données de l’Office national de l’énergie (ONE). La plupart de ces incidents sont mineurs, mais on note récemment plusieurs fuites importantes, dont celle de 200 000 litres de pétrole dans la rivière Saskatchewan en 2016 et une autre de 200 000 litres en Alberta en février 2017.
Exporter le pétrole par tous les moyens.
Si on laisse faire le Canada pétrolier, les choses vont empirer considérablement dans les prochaines années. Les données publiées en juin 2017 par l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) proposent de faire passer la production quotidienne de 3,85 millions de barils en 2016, à 5,1 millions de barils en 2030. Cela équivaut à plus de 1,8 milliard de barils par année. Selon le président et chef de la direction de l’ACPP, Tim McMillan, ces données démontrent hors de tout doute que le pays a « un urgent besoin » de nouveaux pipelines « vers l’ouest, l’est et le sud », afin de transporter au moins 1,3 million de barils supplémentaires chaque jour.
Plutôt que se donner un plan de remplacement du pétrole par des formes d’énergie renouvelables, comme le font d’autres pays, le Canada épouse les objectifs des pétrolières. Tous les moyens sont bons pour accroître rapidement la production pétrolière des sables bitumineux d’Alberta, essentiellement pour l’exportation. Le gouvernement Trudeau a autorisé les projets d’Oléoduc de Keystone (vers le sud) et de TransMoutain (vers le pacifique), en attendant le projet Énergie Est (vers l’Atlantique) qui traverserait le cœur du Québec sous le St-Laurent et 860 cours d’eau sur notre territoire. Un autre projet insensé, par train celui-là, vise à amener le pétrole albertain jusqu’au au Nouveau Brunswick en utilisant les voies du CN à travers certaines des principales villes du Québec, pour y faire circuler deux convois de 110 trains par jour, soit trois fois le nombre de wagons que comptait le convoi qui a frappé Lac Mégantic.
Non respect des accords de Paris et des intérêts du Québec
Le gouvernement canadien contredit son engagement à l’égard de l’accord international de Paris sur le climat en orientant sa réglementation et ses énormes investissements (dont 20 % sont payés par les Québécois) en fonction du développement pétrolier de l’Ouest canadien qui exige le transport du pétrole pour l’exportation, réduisant à néant les efforts entrepris au Québec pour réduire nos émission de gaz à effet de serre.
Dans le Canada, le territoire du Québec est soumis aux décisions d’Ottawa, peu importe l’avis de sa population. Nous ne contrôlons pas notre territoire. D’ailleurs, les pétrolières le savent bien et traitent avec arrogance notre gouvernement national qui par ailleurs fait preuve d’une servilité inqualifiable.
Il est urgent que le Québec récupère, en devenant un pays, toutes ses ressources financières et tous ses pouvoirs en transport et en environnement, pour se donner un plan d’indépendance énergétique centré sur l’hydroélectricité et les énergies renouvelable. Celles-ci composent déjà 48% de l’énergie consommée au Québec (contre 17,1% au Canada en 2014). Un Québec sans pétrole est possible, mais il n’est possible que dans un Québec indépendant.