Référendum de 1980 :
les promesses empoisonnées


Par Josiane Lavallée,
Historienne et 2e vice-présidente de la SSJB

 

Le 20 mai 1980, les Québécois et Québécoises sont conviés par leur Premier ministre d’alors, René Lévesque, à voter OUI dans le cadre du Référendum sur la souveraineté-association. Un peu longue, la question était la suivante : « Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada ? ».

Autrement dit, si jamais l’option du OUI devait récolter une majorité d’appuis chez les Québécois, il y aurait nécessairement eu un second référendum portant sur les résultats des négociations avec Ottawa. Qu’on soit d’accord ou non avec cette formule, la démarche avait le mérite d’être claire et démocratiquement irréprochable.

Au terme de débats importants, la plupart des militants et militantes péquistes se rallieront finalement à cette stratégie des deux référendums. Au cours des premiers mois de l’année 1980, ceux-ci travailleront avec acharnement à faire augmenter le nombre d’appuis pour le OUI. C’est ainsi que le 15 mars 1980, selon l’Institut québécois d’opinion publique, l’option souverainiste était en tête des sondages avec 52 % des intentions de vote.

Afin de contrer l’élan souverainiste, Ottawa créa dès l’été 1977 le Centre d’information sur l’unité canadienne dont l’objectif principal consistait à propager les vertus du fédéralisme. On répandit à nouveau les peurs sans fondement sur les pensions de vieillesse et les transferts fédéraux. On prétendit également que la question n’était pas claire ; qu’elle visait à tromper les Québécois.

Par ailleurs, à l’automne 1977, plusieurs groupes fédéralistes s’unirent pour créer le Comité préréférendaire Québec-Canada. Toutefois, en raison de dissensions internes, ce groupe fut rapidement dissout, permettant à Claude Ryan, Jean Chrétien et Pierre Elliott Trudeau de prendre chacun un maximum d’espace tout au long de la campagne du NON au Québec.
Les trois chefs libéraux berneront tour à tour les Québécois en leur faisant miroiter l’opportunité d’un renouvellement du fédéralisme advenant une victoire du NON… On se souviendra notamment des propos de Pierre Elliott Trudeau lors du rassemblement partisan du 14 mai au Centre Paul-Sauvé. Le Premier ministre canadien déclara : « Nous mettons notre tête en jeu, nous, députés québécois, parce que nous disons aux Québécois de voter NON. Et nous vous disons à vous, des autres provinces, que nous n’accepterons pas ensuite que ce NON soit interprété par vous comme une indication que tout va bien puis que tout peut rester comme c’était avant. Nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement. »

On connait la suite de l’histoire…
Une semaine plus tard, le 20 mai, le NON l’emporta avec 59,6% des voix.
Combien ont cru aux promesses empoisonnées de Trudeau père?   Difficile à dire.

Chose certaine, immédiatement après le référendum, le chef du gouvernement canadien, loin de s’employer à satisfaire les intérêts du Québec au sein de la fédération, déploiera au contraire tous les efforts inimaginables, lors des négociations sur le rapatriement de la constitution, afin de mettre en boîte René Lévesque, d’écarter les demandes minimales du Québec et de réduire les pouvoirs de notre Assemblée nationale.

C’est ainsi que sous l’impulsion de Trudeau et Chrétien, neuf provinces canadiennes tournèrent le dos au Québec une certaine nuit de novembre 1981, en acceptant de rapatrier la Constitution sans l’accord de ce dernier. En plus d’isoler le Québec, cette « nuit des longs couteaux » signerait la mort d’un vieux mythe que plusieurs de nos compatriotes, hélas, entretiennent encore de nos jours : celui des deux peuples fondateurs.

37 ans après le premier référendum sur la souveraineté-association, force est de constater que la victoire du NON n’a pas débouché sur les réformes espérées par ceux et celles qui, en majorité, appuyèrent cette option.

Au contraire, le nouveau Canada de Trudeau, fruit de la Loi de 1982, n’aura fait que confirmer l’incapacité totale de ce régime de plus en plus centralisé, à remplir ses promesses vis-à-vis du peuple québécois. C’est donc à juste titre que depuis ce temps, aucun gouvernement du Québec, tant libéral que péquiste, n’a voulu s’abaisser à avaliser cette «emmanchure constitutionnelle», dixit René Lévesque