Ô Canada, terre de nos pétrolières

par Mathieu Roy  militant et étudiant en histoire
et Maxime Laporte,  président de la SSJB

Le Canada de 1867 fut fondé sur une ambition mercantile visant à créer un axe économique Est-Ouest basé essentiellement sur l’exportation de ressources premières.  Pour cela, il fallait compter sur le développement stratégique du fameux chemin de fer du Canadien pacifique. Ce pays-continent résulte donc de l’unification artificielle d’une dizaine d’États aux réalités complètement différentes, par laquelle on cherchait notamment à rembourser à la Baring Bank la dette coloniale d’alors. Loin de poursuivre des visées particulièrement humanistes ou démocratiques, le Canada ne se voulait, il y a 150 ans, qu’un pacte destiné à enrichir une petite clique d’hommes d’affaires loyaux à l’Empire britannique. C’est ainsi que s’opèrera la progression fulgurante, entre autres, de l’industrie du blé, puis, au 20e siècle, des secteurs miniers et pétroliers.

Jusqu’à ce jour, la logique qui prévalait à l’époque de la création du Dominion du Canada s’est perpétuée ; ce même système de développement qui continue à bafouer les droits des peuples autochtones et du peuple québécois, et à saccager notre territoire au profit d’une poignée d’investisseurs. Les projets de pipelines promus par les Harper, Trudeau, Wall et autres ne sont qu’une version moderne des sinistres entreprises des Macdonald et Cartier… Comme avec le chemin de fer il y a un siècle et demi, le Canada d’aujourd’hui se cherche, à travers ses projets d’un autre âge, une « unité » géographique et économique. Autrement dit, une raison d’être.

Ces dernières décennies, l’exploitation désastreuse du pétrole bitumineux en provenance des Prairies a fait du Canada un cancre en environnement, lui conférant une piètre réputation à l’international. Que ce soient les Conservateurs, le Parti libéral ou le NPD, tous les partis politiques canadianistes à Ottawa s’entendent sur la nécessité de développer ces ressources. Suivant les traces de son prédécesseur en matières environnementales, Justin Trudeau n’a guère l’intention de renverser la vapeur. L’appui récent de son gouvernement à de nouveaux projets d’oléoducs ainsi que son refus de freiner l’exploitation pétrolière dans l’Ouest démontrent bien que le Canada réactualise sans cesse son incurie écologique. Faut-il rappeler que le pétrole bitumineux est considéré comme le plus sale au monde en raison des énormes quantités d’eau nécessaires à son extraction, sans compter les immenses émissions de Co2 qui en résultent.

En plus de dévaster de vastes étendues de forêts, de lacs, de rivières et de tourbières, les conséquences environnementales de cette exploitation se font sentir partout dans le monde. C’est surtout en raison de son industrie pétrolière que le Canada n’a pu atteindre les cibles du protocole de Kyoto ni respecter ses engagements environnementaux. En 2007, au lieu d’avoir diminué ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à 6% par rapport au taux de 1990, le Canada les a plutôt laissées augmenter de 26%, selon Greenpeace. Équiterre nous apprenait que ces mauvais résultats avaient pour effet de neutraliser l’ensemble de nos efforts de lutte aux changements climatiques, en plus de faire perdre 55 000 emplois au Québec.

On se demande ainsi comment le gouvernement canadien fera pour respecter les accords de Paris visant à maintenir le réchauffement à un seuil inférieur à 2 degrés…

Avec le projet d’oléoduc Énergie Est, c’est 1,1 million de barils de pétrole additionnels qui passeront sur le territoire québécois. Sans générer aucune retombée significative en termes d’emploi ou de redevances pour le Québec, nous en assumerons néanmoins tous les risques. Rappelons que s’il se réalise, ce pipeline traversera quelque 828 cours d’eau, dont le fleuve Saint-Laurent, notre principale source d’eau potable. Et même dans l’hypothèse où ce projet pouvait rapporter des dividendes pour l’économie du Québec, il est clair qu’on ne peut plus se permettre d’agir en dinosaures écologiques. Il faut impérativement mettre fin à l’ère du carbone et investir dans des énergies propres et renouvelables.

Pendant que l’avenir de notre planète est en jeu, le Canada continue donc à nous enfoncer davantage dans la pollution… Il y a de quoi être fiers, n’est-ce pas?

Alors que les Québécois ont voulu privilégier une toute autre éthique de développement qui mise sur l’hydroélectricité et les énergies vertes, Ottawa ne se gêne pas pour financer les compagnies pétrolières à même nos poches!

Tant que le Québec demeure une province, c’est le Canada qui continuera à nous représenter lors des grands forums internationaux sur l’environnement. Quelle honte! Comment pouvons-nous accepter d’être encore les complices objectifs de cet État voyou? N’est-ce pas irresponsable?

La constitution imposée au Québec a fait en sorte qu’Ottawa réglemente les transports par trains, bateaux ou oléoducs, lui permettant de violer à sa guise le territoire québécois. Rester une province du Canada, c’est aussi renoncer à notre pouvoir de nous opposer à la construction d’oléoducs et au transport de matières dangereuses traversant notre territoire.

En ce Jour de la Terre, il est plus que temps de sortir de cette logique de développement écocide qui caractérise le Canada depuis sa fondation, et qui menace directement, au moment où vous lisez ces lignes, notre climat planétaire. La seule façon de progresser, c’est de faire du Québec un pays. Le Québec détient un potentiel extraordinaire, lequel se révèle cependant impossible à réaliser dans les limites du Canada pétrolier. En devenant enfin membre des Nations Unies, il pourra jouer un rôle de chef de file environnemental à l’échelle internationale. L’indépendance nationale est la seule voie à envisager pour faire du Québec, un Québec libre et vert, et être à la hauteur de nos devoirs les plus sacrés vis-à-vis de notre planète et de l’humanité.

 

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